Mon cher Roger

C'est une sacrée mauvaise idée que de t'écrire, autant vouloir jeter une passerelle branlante entre ce qui a été et ce qui sera avec au milieu ce qui est et qui déjà n'est plus. Mais bon, mais bon comme disent les footballeurs à longueur d'interview.. A propos d'interview je trouve qu'on s'obstine à tort à donner la parole à n'importe qui pour dire n'importe quoi, aux chasseurs qui font rimer tradition avec gueuleton, aux écolos barbus, chevelus et mal rasés qui se transforment en pisse vinaigre, aux lycéens braillards qui feraient mieux d'apprendre la table de multiplication et la grammaire et bien sur aux politiques qui souvent en manquent de parole.

Non, non je ne me plains pas. A dire vrai je m'en bas les cacahouètes. J'ai Arcane qui suffit à mon bonheur, Arcane que je ne tiens pas à te présenter. Tu suis la direction de mon regard ! Nous allons partir en voyage et j'écrirais un livre. Pas besoin de ricaner, si besoin est j'inventerais un éditeur, et s'il le faut des lecteurs et quelques critiques malveillants pour donner du piquant à l'affaire. Trêve de plaisanterie, de penser à toi me fais de la peine. Je t'imagine trop bien dans ton quotidien. Quotidien égale pain, alors de grâce supprime le congelé et remets toi à la baguette fraîche et croustillante .Vive les viennoiseries, les croissants chauds au lait ou au chocolat. Secoue toi bon dieu. A propos de Dieu, je sais que tu es allé à la messe, l'an passé, le jour des Rameaux. Tu n'avais pas de monnaie, m'a t'on dit, pour en acheter un de ces foutus rameaux à l'entrée de l'église. Tu aurais pu brandir un brin d'herbe, une marguerite, une pomme de pin, que sais je. Tu es resté debout pendant la lecture de la Passion. C'était long. Tu avais envie de t'asseoir mais tu ne te trouvais pas assez vieux pour cela. Tu avais honte, peur des regards, pas de celui de Dieu qui n'en avait rien à foutre, mais de celui des dévots confits, de la marmelade des dévots, des bigotes, des enfants de choeur, des diacres, du sacristain et de tout le Saint Frusquin. Je t'offusque. Pardon mon père.

C'est con. Je ne trouve rien d'autre à te dire, sinon que je désire t'oublier définitivement sans doute parce que je t'aime bien, trop, que cela me fait mal de te voir te mépriser de la sorte, à la petite semaine, encore qu'une autodestruction bien menée est un moyen comme un autre de se magnifier. Ne me dis pas que tu n'y a pas pensé. Croix de fer, croix de bois je ne te croirais pas.

Un conseil avant de te quitter sine die, essaye de boire. Pintes toi, à la Verlaine, mais ne verse pas dans les mêmes fadaises, les sanglots longs, l'automne, le parc solitaire et glacé, pourquoi pas les feuilles mortes. Ais le courage de chanter les bennes à ordure, les mouettes qui chient sur les décharges publiques, les crânes rasés des skin head que l'on devrait défoncer au marteau piqueur, les parkings souterrains où l'on se shoote à la colle, la salle des pas perdus que l'on ne retrouve jamais, les monts de piété qui n'en est pas, les travestis du bois de Boulogne, les internautes pédophiles, les dealers de la Porte St Martin et j'en passe et des trop mures de la rue Saint Denis. Bois un coup, Roger. Baudelaire l'a dit, c'est toujours l'heure de s'enivrer.

De s'enivrer et de chanter bien sur, te temps des cerises si tu y tiens, mais surtout pas la rose, ce n'est plus l’important. Même Ségolène le sait. L'important c'est la gadoue (déjà glorifié par Jane Birkin), véritable bouillon de culture sur lequel le poète doit se pencher et l'avaler si besoin est jusqu'à la dernière goutte pour qu'il n'en reste rien. L'important, non ce n'est plus la rose, c'est ce putain de Sahel qui ne s'arrête pas d'avancer, ce putain d'effet de serre avec cette planète qui se réchauffe sans empêcher des gens de crever de froid, c'est l'Afrique contaminée, ensanglantée, affamée avec ses politiciens véreux et ses enfants soldats, les escadrons de la mort du Brésil, le regard bleu de Poutine et autres "chinoiseries". Chante, chante Roger l'oraison funèbre de Milosevic, de Sadam, de Khadafi et consort, des enfoirés de talibans et de Ben Laden. Chante, ou ferme ta gueule à jamais

Ciao

PS Je t’imagine Roger, un portable à l'oreille, tu viens, comme toujours, de manquer le dernier métro. Comme toujours, Roger, comme toujours.

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