Durant ces dernières heures passées avec lui, j'avais bien conscience qu'une vie s'en allait mais pas seulement, une partie de ma vie aussi disparaissait, terminé l'amour inconditionnel, le regard bienveillant, les échanges littéraires, terminé sa protection rapprochée. A moi les gilets par balles, j'étais face au peloton d'exécution, on m'avait prévenu quelques mois au par avant, « Ne téléphone plus à ton père, ne donne plus de tes nouvelles, il se fait trop de soucis pour toi….-fin de communication- » Flinguée par ces mots pas beaux, j'ai obéi aux ordres de la commandanture et j'ai fait silence. Mon père malade a réussi à me relever encore une fois. Tomber dans la pauvreté est pour certain un pêcher dont tu devrais de dépêcher de mourir. Quand tout va bien, bon job, bel appart, jolies relations, que « l'On t'aime » mais que « l'On t'aime ».

Première réaction de la famille décomposée, couper tes vivres et faire les comptes, toi « la pauvrounette qui joue à l'artiste » on te fait vite savoir que tu comptes que pour du beurre et que tu es si esseulée que même ta promesse de publier ton père on te l'accordera pas. On t'accordera rien tout est à nous.

Je suis contente d'avoir réclamé un prêtre aux dernières heures de mon père, et d'avoir ouvert en grand la fenêtre de sa chambre pour qu'il puisse sentir son ciel et son jardin , respire Ppa avant de partir. Je suis heureuse qu'il s'en soit allé avec moi et qu'il m'ai offert son dernier souffle, notre dernier tête à tête.

Je suis, je ne suis plus

Je suis ma mère
je suis ma soeur
mes disparues
Je suis un comédien
le rideau qui se lève et retombe
une poignée de terre sur une tombe
Je suis toi ma douce amie
à la robe fleurie
ma danseuse du dimanche
envolée en paradis
Je suis l'eau d'un ruisseau égaré
un roman inachevé
Je suis ces femmes qui passent
et qui s'en vont
Je suis ce soldat perdu
l'arme à la bretelle
qui demande à boire
qui a peur de mourir.
Je sui
s ce que je ne suis plus
un enfant.
Roger Frey

à suivre

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