Tu fus l'enfant doré
qui descendait à la plaine
soulevant le caillou du pied
le propulsant tel un astre d'écume
un peu plus loin
pour le faire voyager

Ta bouche souriait
à la promesse de vivre
tes cheveux longs de sage jeune fille
flottaient
libres

J'ai tué cet enfant là
J'aimais les herbes mystérieuses
le fourmillement tenace de la vie
aux entrailles de la terre

La tache profonde de la guerre
s'ouvrit à mon coeur
j'aimais les arbres fous
les soirs sans lune
le ballet nostalgique
se dénouant sous la mitraille
la fleur fauchée qui s'abattait plaintive
et deux fois s'abattait
une fois à la terre
la seconde à mon coeur

J'aimais le sang giclant au soleil
foudroyante corolle
déracinée de sa tache
et le corps lourd de l'homme
s'offrant au monde
qui retombait soudain
dans un bruit mat

Je fus l'enfant violé
dans l'idée chère de son espoir défait
de la nouvelle paix
je courus repentant à la plaine
j'y trouvais l'enfant doré
sa tête blonde fermée à la lumière
oublieuse des étés désertés
Je décollais la peau de son visage
et revins vers la clairière
où des hommes attendaient

Compagnons de mes jeux
voici donc ma bannière
et mon acte de foi
et ma grandeur dernière
et mon jouet cassé

Il faut maintenant chanter la Marseillaise
dire qu'il est mort pour la liberté
l'enfant doré qui descendait à la plaine
et pour la liberté
la fleur fauchée
et le ballet des nuits sans lune

Pardon de la rose
à mes anges insensés
nous rendras tu l'été
et la fraîcheur de la fontaine
où jadis s'accoudait un beau cavalier
et la crinière blonde des moissons
et la ronde folle des enfants
s'en revenant au soir de la plaine

Ouvrez donc à nouveau le jardin et replantez toutes les roses du monde

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